Le dirigeant malien, trois fois candidat malheureux au second tour de l’élection présidentielle, avait été libéré cet automne après six mois de captivité aux mains des jihadistes. Il est mort vendredi du coronavirus.
Après Moussa Traoré en septembre et Amadou Toumani Touré en novembre, le Mali pleure ce week-end un troisième président, dirait-on. Pourtant, il ne l’aura jamais été. Soumaïla Cissé est mort ce vendredi à Paris, tué par le Covid-19. Pour beaucoup, l’homme politique de 71 ans était perçu comme un recours évident, naturel, pour le pays, à la sortie du tunnel de la transition qui a suivi le coup d’Etat du 18 août. Le virus en a décidé autrement. Une ultime fois, Soumaïla Cissé a manqué son rendez-vous avec la présidence de la République.
Il appartenait à cette génération de dirigeants qui composèrent les cadres du balbutiant Mali démocratique des années 90 sous l’aile d’Alpha Oumar Konaré. Cissé, ingénieur-informaticien de formation, est nommé secrétaire général de la présidence après son élection, en 1992, puis ministre des Finances en 1993. C’est un pilier du parti présidentiel Adéma-PASJ. Homme de dossiers, travailleur, il est à l’époque l’homme de tous les budgets du pays.
Cruel scénario
En 2002, il se présente comme le successeur d’Alpha Oumar Konaré à la présidentielle. Et échoue à l’issue d’un second tour qui l’oppose à un ancien militaire, le populaire général Amadou Toumani Touré, surnommé « le soldat de la démocratie » pour avoir renversé Moussa Traoré dix ans plus tôt et rendu le pouvoir aux civils. Le scénario, cruellement, se répétera en 2013 puis en 2018, cette fois face à son ancien camarade de l’Adéma, Ibrahim Boubacar Keïta.
Les deux hommes, formés en France, avaient chacun créé leur parti politique dans les années 2000 pour s’émanciper d’Alpha Oumar Konaré. Le RPM pour « IBK », l’URD pour « Soumi ». Un littéraire flamboyant, bon vivant, contre un scientifique efficace, discret et courtois. Des styles opposés mais issus du même moule. Cette rivalité teintée de complicité avait au moins offert des élections relativement apaisées à un pays déchiré par les violences.
L’émotion nationale de sa captivité
L’un comme l’autre ont pourtant été rattrapés par cette instabilité. Soumaïla Cissé est enlevé le 23 mars dernier, alors qu’il bat campagne pour les législatives dans son fief de la région de Niafunké. Il passera six mois aux mains de ses ravisseurs, avant d’être libéré en même temps que l’otage française Sophie Pétronin, en échange de près de 200 prisonniers arrêtés dans le cadre de la lutte antiterroriste qui croupissaient dans des geôles de Bamako. Sa captivité a ému tout le Mali, bien au-delà des frontières partisanes.
Il est encore en détention lorsque Ibrahim Boubacar Keïta est renversé par un putsch, le 18 août. Tout l’été, un vaste mouvement de contestation avait fait vaciller son pouvoir. Autre rendez-vous manqué pour le chef de l’opposition. Depuis son retour à Bamako, célébré dans la joie, on le disait enfin promis au fauteuil présidentiel. « Rester dans le désert m’a donné du temps pour réfléchir, avait-il confié au Monde à sa libération. Je m’amusais à faire des schémas dans le sable pour trouver une sortie de crise. » Le virus l’a empêché à jamais d’appliquer ses schémas dans la réalité.
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