Du président de la République au ministre de l’Education, discours ne pouvait être plus ferme. Pas question d’introduire l’éducation sexuelle à l’école. Mais les documents et les actes disent tout le contraire.
A écouter le président Macky Sall sur la sexualité ou l’homosexualité à l’école, il y a de quoi être rassuré. « Ni l’UNESCO ni les Nations Unies ne peuvent nous forcer à introduire l’éducation sexuelle à l’école. Ce n’est pas à l’ordre du jour et je l’ai dit à tous les partenaires. Ni argent, ni coopération ne nous fera changer notre conviction dans ce sens».
Macky Sall ajoute même avoir clairement dit à toutes les grandes puissances qui veulent imposer l’homosexualité au Sénégal de garder leur argent. Au vue de la fermeté du discours, on se dit qu’on peut aller dormir profondément, l’esprit tranquille. Surtout qu’avant lui, le ministère de l’Education et ses collaborateurs ont martelé la même position à différentes occasions.
Pourtant, à y voir de plus près, il y a de bonne raison d’être sceptique, car les actes sont loin de refléter le discours des autorités. En vérité, ce qui s’est passé à Saly lors du séminaire du 21 au 23 décembre n’est qu’une continuité de la politique du gouvernement de Macky Sall en matière d’éducation sexuelle. Et il faut prendre la question de manière holistique pour mieux comprendre ce qui se fait.
Il y a quelques années, le ministère de la Santé et de l’Action social s’est doté d’un programme dénommé « Plan stratégique de santé sexuelle et de la reproduction des adolescent(e)s/jeunes au Sénégal ?2014-2018 ».
Ce plan pose d’abord la problématique de l’accès des jeunes et des adolescents à des services liés à leur sexualité. Après diagnostic, le constat est clair. Les offres de l’Etat, en plus d’être insuffisantes ne sont pas adaptées aux besoins des jeunes. Ces derniers, dans leur grande majorité, ignorent même l’existence des structures dédiées. A titre illustratif, « les centres conseils pour adolescent(e)s/jeunes et les centres pilotes en santé de la reproduction ne sont fréquentés que par 5,2% des adolescent(e)s ».
Ministère de la Santé, le point de départ
Partant de là, le ministère a essayé de trouver des solutions pour y remédier. Le document a identifié les technologies de l’information et de la communication comme un bon moyen pour véhiculer les messages. Mais il y a aussi l’école. « L’enseignement de l’Education à la santé sexuelle sera intégré dans les programmes scolaires officiels. Il sera dispensé par des enseignants bien formés et encadrés (P51)», retient le ministère. Il est ainsi prévu d’élaborer un document sur l’éducation à la santé sexuelle, avec des contenus différenciés en fonction des tranches d’âge.
Les enfants vont donc faire connaissance avec le développement sexuel, la santé sexuelle, la santé de la reproduction, les valeurs interpersonnelles, l’affection, l’intimité, l’image du corps, les rôles des genres, les valeurs, les attitudes, les compétences.
Par conséquent, l’intention de l’Etat d’introduire la sexualité à l’école ne fait l’objet d’aucun doute.
Il reste alors la question du comment. Comment arriver à introduire ce module. Opportunité ne saurait être meilleure que celle offerte par le Programme d’appui au renouvellement des curricula (Parc) actuellement en cours.
Rappelons que dans le document stratégique susmentionné du ministère de la Santé, il était question d’«organiser un atelier de validation du guide d’éducation sexuelle en milieu scolaire ». Une fois que le Sénégal s’est décidé, l’Unesco lui apporte le coup de pouce nécessaire.
Ainsi, lors du séminaire organisé à Saly, on trouve parmi les documents de travail une étude commanditée par l’Unesco et intitulée « Serat, outil de revue et analyse de l’éducation à la santé de reproduction » et daté de décembre 2020. A priori, rien de grave puisque la santé de la reproduction est déjà enseignée dans les écoles au Sénégal.
Ce que révèle l’étude Serat
Mais à l’intérieur du document, précisément à la page 7, la définition évolue. « Le SERAT est un outil Excel qui permet de recueillir des données sur les programmes scolaires d’éducation à la sexualité, dans le but de stimuler la réflexion et la discussion sur les points forts de ces programmes et sur les domaines à améliorer », précise le document.
L’étude avait pour but de voir si cette préoccupation est prise en charge dans les différents ordres d’enseignement et dans quelles matières ? Les résultats indiquent clairement que la réponse est…non ! « Le concept ‘’éducation à la sexualité’’ est absent en tant que programme dans le système éducatif sénégalais ».
Toutefois, ajoute le document, il existe des contenus qui abordent la question, mais sous l’angle de la santé de la reproduction. C’est le cas des matières Vivre Ensemble à l’école primaire et Svt ou Ecofam dans le moyen-secondaire. Malgré cette faible place de cette thématique dans les enseignements, les rédacteurs du rapport (tous des Sénégalais) pensent que l’espoir est permis quant à la possibilité d’introduire une telle matière au Sénégal.
« Le contexte juridique et politique semble avoir créé un environnement favorable à la mise sur pied d’un programme sur l’éducation à la sexualité et les questions liées au genre et aux violences de genre en milieu scolaire, même si les concepts n’ont pas quelquefois les mêmes appellations ni les mêmes contenus au Sénégal et dans les principes directeurs internationaux », souligne le document.
C’est d’ailleurs ce paradoxe que semble relever l’étude de l’Unesco. Pour eux, il y a une réelle volonté de prendre en charge l’éducation à la sexualité, mais bizarrement, « cela ne se reflète pas dans les contenus déroulés par les programmes sénégalais quelle que soit la tranche d’âge considérée ». De la même manière, mentionne le document, l’environnement favorable n’a pas amené le Sénégal à introduire la thématique ‘’éducation à la sexualité ».
Ainsi, à la lecture du rapport, on sent un certain optimisme des rédacteurs quant à la possibilité d’introduire l’éducation sexuelle à l’école. Le rapport semble dire qu’il faut mettre un coup de pouce pour que la sexualité soit enseignée à l’école au Sénégal.
Le Parc comme cheval de Troie
Partant de cela, il a été recommandé de concevoir un module en prenant compte des différents niveaux d’étude. Pour cela, il suffit de profiter de l’élaboration en cours des curricula pour identifier les disciplines porteuses afin de faciliter l’intégration d’un module sur la sexualité. Un travail qui devra se faire en rapport avec le Programme d’appui au renouvellement des curricula (Parc).
« A titre indicatif, on peut avancer les thèmes suivants : la fonction sexuelle, l’attitude sexuelle, l’acceptation de l’autre dans la relation sexuelle, la communication en matière de sexualité, la santé physique, la santé psychologique et mentale, l’offre de service de santé sexuelle, les VGMS ; ‘’Egalité et Equité de Genre’’ et Droits humains », propose le rapport. Non sans souligne que les contenus devront ‘’naturellement’’ être en phase avec les orientations du ministère de l’Education.
Mais le document le plus compromettant est sans doute celui intitulé « Principes directeurs internationaux sur l’éducation à la sexualité ». C’est ce document (de l’Unesco) qui est d’ailleurs censé fixer le cadre de référence tiré de la vision globalisée du monde par les grandes puissances et le lobby Lgbti.
Ce document met en avant ce qu’il appelle des concepts clés. On y note une volonté de prendre l’enfant dès l’âge de 5 ans jusqu’à 18 ans pour lui enseigner progressivement l’éducation sexuelle et l’acceptation de l’autre, quelle que soit son orientation sexuelle.Apprendre à l’enfant la remise en cause des valeurs de ses parents
Et pour cela, on lui apprend d’abord à remettre en causse les valeurs morales dans lesquelles il est censé être éduqué. Par exemple, l’idée centrale de la rubrique ‘’valeur et sexualité’’ se résume comme suit : « À mesure que les enfants grandissent, ils forgent leurs propres valeurs, qui peuvent être différentes de celles de leurs parents/ tuteurs ».
Après ce travail de déconstruction, commence celui de la construction d’un nouveau modèle. La rubrique ‘’comprendre la notion de genre’’ va s’en charger. « La manière dont les individus se perçoivent ou se présentent aux autres du point de vue du genre leur est propre et doit être respectée (…) L’homophobie et la transphobie sont préjudiciables aux personnes ayant des orientations sexuelles et des identités de genre différentes », lit-on.
Ainsi donc, à la lumière de ces documents, on se rend compte que l’Unesco n’est certes pas innocente dans cette affaire, mais elle a bon dos. « C’est l’Etat du Sénégal qui refuse d’assumer ses choix. (…) Les structures étatiques concernées (Min de la sante, Min de l’Education, etc.) doivent sortir de l’ombre et venir s’expliquer devant l’opinion », interpelle un citoyen intéressé par la question.
Comme quoi, pour juger la volonté de l’Etat du Sénégal en matière d’éducation sexuelle à l’école, mieux vaut se fier aux actes et supports écrits plutôt qu’à des discours, généralement lénifiants.