Pour ou contre la dépénalisation de l’homosexualité au Sénégal ? La réponse du Président Macky Sall est restée la même depuis au moins huit ans. Rappel des faits.
Au sujet de l’homosexualité, le Président Macky Sall est pris entre deux feux. D’un côté la communauté internationale qui, invoquant les droits humains, place la cause LGBTI+ (Lesbienne, gay, bisexuel, transgenre et intersexe) au centre de ses priorités. De l’autre l’opinion publique sénégalaise, croyante (95% de musulmans et 4% de chrétiens), oppose une résistance énergique dont le dernier épisode remonte à dimanche 23 mai : le collectif « And samm jikko yi » a organisé une série de manifestations, à Dakar et à l’intérieur du pays, pour exiger l’adoption d’une loi criminalisant les relations entre personnes du même sexe. Une pétition a été lancée dans ce sens. La mobilisation a eu un énorme succès.
Souvent appelé à se déterminer dans cette guerre des mondes, parfois placé au pied du mur, le chef de l’État est resté constant : depuis au moins huit ans, il ne cesse de marteler que tant qu’il sera à la tête du Sénégal, l’homosexualité ne sera pas légalisée dans son pays. C’est ainsi qu’il a longuement répondu à l’interpellation d’un journaliste sur le sujet le soir du 31 décembre 2020, lors de la conférence de presse ayant suivi son discours de Nouvel an.
À l’époque, une rumeur bruissait qu’un projet de révision des programmes scolaires, sous l’égide de l’UNESCO, était dans le circuit et visait l’introduction de l’éducation sexuelle à l’école. Une initiative que des organismes comme l’ONG islamique Jamra assimilaient à « un subtil emballage pour mieux faire avaler au système éducatif sénégalais la pilule incongrue et suspecte de l’idéologie du troisième genre dès la maternelle ».
Macky Sall avait sèchement demandé à l’UNESCO de ranger sa réforme et, devant la même assemblée, rejeté toute idée de légalisation de l’homosexualité.« Chaque pays a son propre métabolisme »
Dix mois plus tôt, mercredi 12 février 2020, c’est le Premier ministre canadien, en visite au Sénégal, qui recevait en pleine figure la mise au point de son hôte. Au cours d’une conférence de presse conjointe, Justin Trudeau, répondant à une question sur la situation des homosexuels au Sénégal, avance : « Je suis toujours pour la défense des droits humains et j’amène toujours ces enjeux-là partout où je vais. Le Président Macky Sall connaît très bien mes perspectives là-dessus et on en a parlé brièvement. (…) On a tous du travail à faire encore. »
Réponse du chef de l’État : « Les lois de notre pays obéissent à des normes qui sont le condensé de nos valeurs de culture et de civilisation. Cela n’a rien à voir avec l’homophobie. Ceux qui ont une orientation sexuelle de leur choix ne font pas l’objet d’exclusion. »
Face à l’insistance d’une journaliste le sommant quasiment d’expliquer en quoi l’interdiction de l’homosexualité n’est pas de l’homophobie, Macky Sall se raidit : « On ne peut pas demander au Sénégal de dire : “Demain, on légalise l’homosexualité, et, demain, c’est la gay parade”. Ça, ce n’est pas possible parce que notre société ne l’accepte pas. La société, elle va évoluer, ça prendra le temps que ça prendra. Chaque pays a son propre métabolisme. »
En marge d’une visite en France, en octobre 2015, le Président sénégalais dut remettre le couvert. Interpellé sur le plateau d’iTélé sur le refus du Sénégal de dépénaliser l’homosexualité, il s’emporte presque : « Au nom de quoi, parce qu’ailleurs l’homosexualité est dépénalisée, cela doit être une loi universelle ? Nous avons des homosexuels chez nous. Les associations n’ont pas de difficultés avec le gouvernement, mais est-ce qu’elles n’auront pas de difficultés avec la société ? Ça c’est une autre affaire. Les gens doivent avoir la modestie de comprendre que tous les pays ne sont pas les mêmes, n’ont pas les mêmes histoires, n’ont pas les mêmes évolutions. »
Un Scud sur la tête de Barack Obama
Macky Sall n’en disait pas moins deux ans plus tôt à Dakar lors d’une conférence de presse avec Barack Obama. Fraîchement élu à la tête du Sénégal, alors que son homologue américain déroulait son deuxième mandat, le Président Sall était très attendu sur la question de l’homosexualité ce jour de juin 2013. D’autant que son hôte était réputé pour son engagement en faveur des minorités, notamment le mouvement LGBTI+. Il sera au rendez-vous.
À une journaliste américaine qui lui demandait de donner sa position sur les pays africains réprimant l’homosexualité, Obama, subtile, déclare : « Je ne crois pas à la discrimination, quelle qu’elle soit, c’est mon point de vue personnel. Je viens d’un pays où les gens n’ont pas été traités de manière égale, et il a fallu le combat pour les droits civiques pour atteindre l’égalité. »
En guise de réplique à cette petite pique du Président des États-Unis, Macky Sall envoie un Scud : « Fondamentalement, c’est une question de société. Il ne saurait y avoir un modèle fixe dans tous les pays. Les cultures sont différentes, tout comme les religions et les traditions. La dépénalisation de l’homosexualité, c’est comme la peine de mort, les avis sont partagés là-dessus. Nous avons aboli la peine de mort depuis des années au Sénégal, mais d’autres pays non. »
Cette répartie foudroyante avait retenu l’attention de la presse internationale et été saluée par la presse locale. Et manifestement depuis huit ans le ton de l’auteur n’a pas changé.